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Le jardin du capitole

  • didier turcan
  • 25 déc. 2017
  • 4 min de lecture

Carriera Sant Pantaleon. La réunion promettait de délivrer de précieuses informations sur l’événement.

Bientôt, la Biennale européenne « Science et Innovation » se tiendrait dans les murs de la ville et pour la première fois en France. Suivrait une séance de travail au Couvent des Jacobins où serait dévoilée, pour une poignée d’initiés, la liste attendue des activités ludiques et scientifiques prévues dans le cadre du Festival « Science dans la ville » organisé en même temps dans plusieurs quartiers du centre et de la proche banlieue.

Toulouse accélère le pas. On se dispensera de lui rappeler qu’elle demeure la perle de l’Occitanie. A présent qu’elle a la tête dans les étoiles, ce n’est pas vraiment l’hommage espéré. Ses habitants les plus impliqués dans le siècle aspirent à constituer une ville-monde et l’évocation de cet humble prestige régional est, à chaque fois, perçue comme un anachronisme ou pire, un malentendu.

En attendant, Toulouse se parcourt toujours à pied. Il faut encore inviter à se fondre dans les ruelles de cette ville pour y débusquer ses nombreuses placettes en se laissant guider par le murmure ensorcelant des fontaines. En cette période d’automne où le jazz se met sur son trente-et-un, Toulouse dort peu pour ne pas perdre une miette de la musique qui coule dans ses rues. Dianne Reeves choisit la place Saint-Etienne, l’ancêtre, pour y rencontrer son public autour d’un verre. Et pour étancher sa soif de déraison, le quartier Saint-Sernin s’en remet aux bons soins d’un illustre maître flamand. Agée peut-être mais toujours espiègle, la cité.

De la place du Président Thomas Wilson ou du Grand Rond s’offrent mille possibilités de découvrir la ville sous ses multiples aspects. Le promeneur dans Toulouse est un passant qui a le temps. Marcher, dit-il, marcher encore, marcher à s’en user les pas du Canal du Midi au Canal de Brienne puis s’arrêter, quand la Garonne est à l’étiage, sur le pont des Catalans pour admirer l’eau qui court sur les cailloux.

On le dit. Le temps aurait ici façonné de nouveaux comportements. La bourgeoisie toulousaine, s’enhardissant, ne boude plus la rive gauche. Le chemin est désormais balisé qui conduit aux Abattoirs – le musée d’art moderne et contemporain – et le Minotaure en costume d’Arlequin a su attraire, pour la bonne cause, toutes les populations. Un motif supplémentaire de transhumance est apparu, il y a peu, avec l’ouverture, place Olivier, d’une boutique éphémère consacrée à la dernière collection croisière d’une prestigieuse marque de luxe française. Une grande première abondamment relayée par la presse locale qui a généré un flux inhabituel de curieux, de gros embouteillages et l’exaspération des résidents.

Le quartier, il est vrai, se remettait à peine d’une lumineuse exposition de peintures provençales, « de Saint-Trop’ à Saint Cyp », née de l’initiative inspirée de deux maires saisissant tout l’intérêt de ces échanges d’expériences interurbains. Constitués en un collectif baptisé Neptune, de jeunes artistes azuréens étaient venus présenter leur réécriture impressionniste de la Méditerranée avec la ferme intention de convier leurs confrères occitans à un joyeux banquet. La fête dura trois jours. La place, tout entière interdite à la circulation, exhalait l’anis. On en parle encore.

Fidèle à ses traditions, Toulouse y puise l’essentiel de ses talents aujourd’hui reconnus.

A Toulouse, l’univers start-up bouillonne et les rues grouillent de ces jeunes entreprenants qui se rêvent déjà en milliardaires philanthropes, attirés par un écosystème qui a fait ses preuves. Aux terrasses du café des Artistes et du Wallace, on ne parle que de pépinières, incubateurs, accélérateurs, tiers-lieux, co-working, hyper-croissance et, accessoirement, millions de dollars. La ville a bien changé. Et la population, une nouvelle fois, a considérablement rajeuni. Elle a très vite conçu que la transformation de Toulouse valait bien quelques sacrifices et défendu avec fougue l’idée sacrilège que même les anciennes halles Latécoère devaient y passer pour devenir une Cité des startups, amorce de la future vallée de l’innovation.

Alors, les millennials locaux de rivaliser d’initiatives flamboyantes. Un temps jaloux, leurs aînés n’entendent pas être en reste. Ensemble, ils créent ou réinventent des lieux de vie et de rencontres, investissent des quartiers délaissés, expérimentent des urbanités nouvelles. La dynamique est réelle et palpable. Le Quai des savoirs, allées Jules-Guesde rappelle les ambitions scientifiques internationales de la ville. Temple de la technologie exaltée, on y célèbre le goût de la recherche et la quête de l’illumination. Les générations font bloc et Toulouse affronte son époque toutes griffes dehors. Elle affecte à la tâche une énergie semblable à celle déployée jadis pour surmonter l’éprouvante transition du pastel à la peinture à l’huile. Entre fleuve et terroir s’observe le paradoxe d’une ville qui cultive et exploite ses fondamentaux pour anticiper et préparer l’avenir. Toulouse, en plein cœur de la French Tech, peut-être, mais ses façades en briques flammées s’illuminent toujours au soleil couchant.

La future tour Occitanie, les Allées Jean-Jaurès transformées en ramblas, le téléphérique

urbain depuis l’Oncopole jusqu’au complexe de Rangueil, le lancement d’une filière dédiée aux objets connectés, autant de projets que de jours ouvrés, Toulouse, promue Smart City, recèle plus d’une surprise dans son jardin du Capitole. Sur ces quelques ares d’un bout de ville nature qui tempère l’effervescence de la rue Alsace-Lorraine, les allées bordées de murets de pierre ont été repensées et les bancs de bois clair aux dossiers bienveillants sont offerts à tous. Avec sa fontaine sèche bien implantée au cœur du square, avec sa mère et l’enfant réinstallée entre les massifs, tout contribue à faire du lieu hier encore engoncé à l’arrière du Capitole un espace fluide et ouvert sur la ville. Aux côtés des arbres d’origine, ginkgo, magnolia, micocoulier de Virginie, cèdre de l’Atlas ont été plantées de nouvelles essences, sophora, tilleul, parrotie de Perse, arbre de Judée, lilas des Indes faisant du jardin une authentique encyclopédie botanique. A ces heures pâles et propices où le tumulte est congédié, il règne en cet endroit comme une sérénité rare qui propose, en manière de répit, un chapelet de minutes supérieures. C’est bien là, assurément, qu’un jour il a neigé des anges.

turcan@valauval.fr

Image: © Thomas Plessis

 
 
 

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